
Dans un développement inquiétant aux allures de séisme institutionnel, des documents exclusifs obtenus par des médias locaux révèlent une opération qualifiée de « prédation urbanistique » à Aït Melloul. Des terrains initialement destinés à accueillir des équipements publics y ont été cédés à une société immobilière privée dans des conditions controversées, en exploitant une autorisation exceptionnelle pourtant expirée. L’affaire, d’abord cantonnée au débat local, a rapidement atteint l’hémicycle du Parlement, où le député Khalid Chanak a interpellé les ministres de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, exigeant l’ouverture d’une enquête sur ce qu’il qualifie de “fortes suspicions de manipulation d’un bien foncier communal destiné à l’intérêt général”
Tout a commencé avec le lotissement “Maghreb Arabe”
L’affaire remonte à 1992, avec le lancement du grand projet urbanistique baptisé “Lotissement Maghreb Arabe”. Il devait initialement abriter plus de 600 villas, des espaces verts, des mosquées, ainsi que des infrastructures administratives et sanitaires. Toutefois, le projet s’est heurté dès le départ à des litiges juridiques, notamment concernant une parcelle de 3 hectares disputée entre la société “Al Omrane Souss-Massa” et des exploitants de terres forestières. Après règlement du conflit, la parcelle fut cédée à une entreprise privée, marquant un tournant dramatique dans le devenir du projet
Des villas aux immeubles… Des équipements publics à la jungle de béton
Fait troublant : la société bénéficiaire n’a pas respecté les termes de l’autorisation initiale. Au lieu de villas, elle a construit des immeubles résidentiels à plusieurs étages, ignorant totalement l’obligation d’y inclure des équipements publics. Les registres fonciers révèlent que le terrain cédé – inscrit sous le titre foncier n° 09/82354 – était pourtant destiné aux infrastructures d’utilité publique. L’entreprise a néanmoins transformé la zone en un complexe résidentiel fermé, privé du minimum d’infrastructures sociales de base
Une autorisation exceptionnelle périmée… et des soupçons croissants
Selon les documents, la société Al Omrane a demandé en 2013 à la commission des dérogations de transformer une partie du terrain en zone résidentielle économique, ce qui lui fut accordé en 2014. Cependant, cette autorisation, conditionnée à la réalisation d’équipements publics dans un délai de six mois, est restée lettre morte pendant plus de huit ans. En 2022, une nouvelle autorisation de construire fut soudainement délivrée, bien que fondée sur une décision devenue caduque, en violation des dispositions de la loi 25.90 relative à l’urbanisme
Aliénation trouble et identité juridique floue
Les soupçons s’amplifient lorsque l’on découvre que le terrain a été cédé en 2019 pour plus de 8 millions de dirhams, alors qu’il était destiné à des équipements publics. Plus inquiétant encore, le contrat initial a été signé au nom d’une société donnée, tandis que l’acte final a été conclu au nom d’une entreprise nouvellement créée, ce qui laisse planer de lourds doutes sur des manœuvres juridiques visant à contourner les obligations prévues dans l’autorisation initiale
Le président du conseil communal d’Aït Melloul réagit
Face à la polémique, le président de la commune d’Aït Melloul a publié un communiqué réfutant toute irrégularité, qualifiant les informations diffusées par la presse de “fausses allégations”. Il affirme que le projet s’inscrit dans le cadre du nouveau plan d’aménagement approuvé en 2024, et que 60 % de la superficie est dédiée aux équipements publics sans charge financière pour la commune. Il précise aussi que des équipements comme une mosquée seront livrés ultérieurement
Contre-expertise juridique : manipulations et non-respect de la loi
Cependant, une lecture juridique rigoureuse vient contredire ces affirmations. Le plan d’aménagement évoqué n’a été approuvé qu’en 2024, alors que le permis de construire a été accordé dès novembre 2022, en contradiction manifeste avec l’article 27 de la loi 12.90, qui stipule que seul un plan publié au Bulletin officiel a force de loi. De plus, l’aliénation du terrain a eu lieu avant même la réunion de la commission technique chargée d’étudier le plan, ce qui renforce les soupçons de manipulation anticipée au profit d’intérêts privés
Le Parlement s’active, la justice en embuscade
Face à cette situation préoccupante, le député Khalid Chanak a adressé une question écrite au gouvernement, appelant à une enquête approfondie pour établir les responsabilités et sanctionner toute personne impliquée dans la transformation illégale d’un bien public en projet privé, en violation des principes de transparence et de bonne gouvernance urbaine
Quand l’intérêt public est sacrifié au profit de la spéculation
Ce qui s’est passé dans le lotissement Maghreb Arabe n’est pas un simple dysfonctionnement administratif. C’est, selon un observateur, un exemple criant de “légalisation institutionnelle du pillage du domaine public”. Si une enquête urgente et rigoureuse n’est pas ouverte, la ville risque de sombrer davantage dans le désordre urbanistique, au détriment du simple citoyen, en quête de logement digne et d’infrastructures publiques garantissant sa dignité
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